Cet article retrace l’implication canadienne dans les opérations de maintien de la paix. Ecrit par Hinatea PYANET pour l’Association internationale des Soldats de la Paix sous la direction du Président de l’AISP/SPIA, Monsieur Laurent Attar-Bayrou. 

Le maintien de la paix est un concept inscrit dans la charte des Nations Unies et dans un but d’assurer la paix, la sécurité et la protection des civils. Ce concept va évoluer grâce à l’ancien Premier ministre Canadien Lester B. Pearson (1963-1968), il va donner une impulsion nouvelle au maintien de la paix avec la création des Casques bleus.

1956, l’Egypte nationalise le Canal de Suez et une crise éclate avec l’État d’Israël, la France et le Royaume-Uni qui forment une alliance. Ce conflit qui survient en pleine guerre froide ne fait qu’accroître les tensions et le Canada jouera alors un rôle important dans la médiation du conflit [1]. Plus particulièrement, Lester B. Pearson, alors secrétaire d’État aux Affaires extérieures, qui dirige la délégation canadienne envoyée à l’ONU commence par chercher une solution diplomatique avant de changer de plan et va mettre sur pied une force militaire armée chargée de maintenir la paix : c’est la naissance des Casques bleus [2]. Cette nouvelle armée constituée de gardiens de la paix permet à l’alliance de se retirer et d’éviter de prendre les armes. Ainsi, ce nouvel apport permet de solidifier le concept de maintien de la paix, alors déjà acquis par les Nations Unies depuis 1948.

Deux ans plus tard, en 1958, il reçoit le prix Nobel de la paix pour son engagement.

©The Canadian Encyclopedia
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« Je sais que je partage ce prix avec mes collègues et amis qui ont travaillé avec moi pour rétablir la paix et la compréhension entre nations. Je suis heureux d’avoir eu la chance de participer à cet effort comme représentant de mon pays, le Canada, dont le peuple a montré son dévouement à la paix » [3]

 

Lloyd Axworthy, ministre des Affaires étrangères (1996-2000) sous le gouvernement de Jean Chrétien continuera sur cette lancée en développant la notion de sécurité humaine, de droit international, droits humains et diplomatie. Valeurs qui sont aussi bases des missions de maintien de la paix. Suite à ses actions, il reçoit notamment le prix Nobel de la paix pour sa contribution dans la ratification de la Convention d’Ottawa en 1997, aujourd’hui processus d’Ottawa, qui interdit la production, l’emploi, le stockage et le transfert de mines antipersonnel. Grand défenseur des femmes et des enfants en zone de conflit et défenseur des droits humains, il est reconnu aux Nations unies. Son statut renforce ainsi le leadership canadien pour le traité fondateur de la Cour pénale internationale. Son travail lui vaudra un autre prix : le prix de la paix de l’Institut Nord-Sud. Il devient président du conseil d’administration de la Commission internationale de l’intervention et de la souveraineté des États (CIISE) [4].

Dans cette lignée, le leadership canadien en matière de maintien de la paix se traduit concrètement par les diverses missions auxquelles le pays participe avec plus 125 000 canadiens et 130 morts au combat au total [5]. Entre 1948 et 1988, c’est 80 000 volontaires canadiens qui représentent 10% des militaires envoyés par l’ONU.

Voici quelques exemples de l’implication canadienne :

À Chypre, en 1964, c’est le secrétaire d’État du ministère des Affaires étrangères qui contribue à mettre en place la force de l’ONU (UNFICYP). L’Aviation royale du Canada envoie donc des troupes (de 550 à 1100 Casques bleus par contingent) et matériels sur les lieux. Les casques bleus canadiens participent notamment à un cessez-le-feu local proche de l’aéroport de Nicosie, lieu stratégique, et ont réussi à être stratégiques afin de garder à distance les armées turques. Vingt-huit Casques bleus canadiens perdent la vie durant les conflits chypriotes et la plupart reviennent en 1993 [6].

Au Rwanda, c’est le 22 juin que l’ONU décide de lancer une Mission d’observation dans un premier temps. Le major-général canadien Roméo Dallaire est l’observateur en chef, mission que les Forces armées canadiennes nomment l’opération LANCE. C’est en octobre 1993 que la mission devient une mission de maintien de la paix, MINUAR avec le général Dallaire en commandant. Après le génocide, en mai 1994, la MINUAR devient la MINUAR II et sa mission est de mettre fin aux massacres. Un premier contingent opérationnel canadiens (FAC) arrive au Rwanda pour cette mission. Le major-général Dallaire est chargé des 5500 soldats des troupes multinationales. Les canadiens doivent principalement établir un système de communication dans le pays et plus tard, offrir un soutien logistique tout en aidant la population locale et les enfants. Les soldats canadiens ont aussi aidé à la création d’orphelinats et d’un hôpital. L’opération PASSAGE qui visait à fournir des services médicaux nécessaires aux personnes qui retournent au Rwanda est une initiative canadienne. Les soldats de la paix ont sensibilisé la population locale aux armes dangereuses (mines et bombes) qui sont encore présentes dans tout le pays. C’est plus de 600 militaires canadiens qui ont participé à ces opérations [7].

Dans les Balkans, afin de restaurer l’ordre et la sécurité, près de 40 000 Canadiens sont envoyés sur les lieux, 23 donneront leur vie [8]. La contribution des Forces armées canadiennes (FAC) et de la police civile, dont la Gendarmerie royale du Canada (GRC), en ex-Yougoslavie, plus particulièrement en Croatie, en Bosnie-Herzégovine, en Macédoine et au Kosovo a été importante. Pour une mission en Macédoine (1999-2000) le Canada a une présence plus importante matérielle (navales et aérienne) et humaine. Jusqu’à 1500 Canadiens font partie des troupes de l’OTAN pour s’assurer du maintien de la paix. Ils s’assurent du respect des lignes de cessez-le-feu, ils apportent des vivres et du secours et protègent les minorités ethniques. Ils ont quitté la région en 2004 [9].

En Érythrée et Éthiopie (2000-2003), 450 membres des FAC ont rejoint les efforts internationaux de maintien de la paix dans la région et ils sont les premiers à être totalement opérationnels. Ils ont contribué à la surveillance et à l’affrontement des forces opposées. Ils surveillent la zone de sécurité pour s’assurer du traité de paix. Aucun soldat n’a perdu la vie [10].

Plus récemment encore, les Casques bleus canadiens prennent part à la mission onusienne MINUSMA au Mali. 250 militaires sont alors déployés en 2018 ainsi que des spécialistes médicaux pour venir en aide aux blessés. C’est d’ailleurs la première grande mission canadienne sous l’égide de l’ONU depuis la Bosnie. Leur apport matériel avec leurs hélicoptères est d’ailleurs très utile pour mener à bien la mission [11].

En définitive, malgré une baisse des Casques bleus canadiens à l’étranger, ils ont contribué au maintien de la paix durant plusieurs années et sont considérés comme les précurseurs grâce à la création des soldats de la paix par Pearson. Les Casques bleus canadiens toujours présents à l’international, en date d’aujourd’hui 95 soldats sont en opération de maintien de la paix (OMP) et 34 dans les missions de l’ONU [12]. Cependant, leur engagement pour la paix ne s’est pas seulement traduit par les OMP. En effet, on l’observe sous le Premier ministre Brian Mulroney avec la gestion de la crise de l’apartheid et sous Pierre Elliott Trudeau avec son initiative de paix entre les dirigeants de l’Est et de l’Ouest pour négocier une réduction des armes nucléaires afin de réduire les tensions de la Guerre Froide. Cela lui valu le prix de la paix Albert-Einstein [13].

©Guillaume Bourgault-Côté Le Devoir

 

Bibliographie

“Autres efforts de l’ère moderne”, Anciens combattants Canada, [en ligne], https://www.veterans.gc.ca/fra/remembrance/history/canadian-armed-forces/ Consulté le 25 janvier 2021. 

 

Cavell, Janice, “Suez and After: Canada and British Policy in the Middle East, 1956–1960”, Journal of the Canadian Historical Association, [en ligne], https://www.erudit.org/en/journals/jcha/2007-v18-n1-jcha2287/018258ar/. Consulté le 23 janvier 2021. 

 

“Chypre phase 2”, Anciens combattants Canada, [en ligne], https://www.veterans.gc.ca/fra/remembrance/battles-and-stages/cyprus-stage-2 Consulté le 25 janvier 2021. 

 

Jasmin H. Cheung-Gertler, Axworthy Norman, The Canadian encyclopedia, [en ligne], Lloyd, https://www.thecanadianencyclopedia.ca/fr/article/axworthy-norman-lloyd-1. Consulté le 25 janvier 2021. 

 

Jean-François Bélanger, “Mali : le retour des Casques bleus canadiens”, Radio-Canada, [en ligne],https://ici.radio-canada.ca/nouvelle/1124832/casques-bleus-canadiens-mali-onu-helicoptere-militaire-minusma. Consulté le 25 janvier 2021. 

 

John Boileau, “Casques bleus canadiens dans les balkans”, The Canadian encyclopedia, [en ligne], https://www.thecanadianencyclopedia.ca/fr/article/casque-bleus-canadiens-dans-les-balkans. Consulté le 25 janvier 2021. 

 

Jon Tattrie, “Crise de Suez”, The Canadian encyclopedia, [en ligne],  https://www.thecanadianencyclopedia.ca/fr/article/crise-de-suez#. Consulté le 25 janvier 2021.

 

J.l. Granatstein, “Le Canada et le maintien de la paix”, The Canadian encyclopedia, [en ligne], https://www.thecanadianencyclopedia.ca/fr/article/maintien-de-la-paix. Consulté le 25 janvier 2021. 

 

“Les Forces armées canadiennes dans les Balkans”, Anciens combattants Canada, [en ligne], https://www.veterans.gc.ca/fra/remembrance/history/canadian-armed-forces/balkans/information-sheet-balkans. Consulté le 25 janvier 2021. 

 

“Les Forces armées canadiennes en Éthiopie et en Érythrée”, Anciens combattants Canada, [en ligne], https://www.veterans.gc.ca/fra/remembrance/classroom/ethiopia. Consulté le 25 janvier 2021. 

“Rwanda”, Anciens combattants Canada, [en ligne], https://www.veterans.gc.ca/fra/remembrance/battles-and-stages. Consulté le 25 janvier 2021.

 

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