A l’ombre du génocide ayant eu lieu en 1994 dans son voisin rwandais, l’histoire des violences ethniques frappant le Burundi depuis la colonisation belge est peu médiatisée par la communauté internationale. Contrairement à son voisin qui connaît un essor économique considérable sous la houlette de Paul Kagame, le Burundi peine à tourner la page. Suite au décès du Président et guide suprême du pays, Pierre Nkurunziza à l’âge de 55 ans, l’avenir politique du Burundi interroge. Théâtre d’une guerre civile pendant plus d’une décennie entre milices Hutu et Tutsi ayant traumatisée l’histoire du pays, le Burundi doit relever le défi de la réconciliation.

Colonisation : l’impact des Belges sur l’ethnicisation de la région.

Les deux pays frontaliers que sont le Rwanda et le Burundi ont beaucoup en commun. Ce constat est d’autant plus vrai concernant l’époque précédant la colonisation belge sur la région des grands lacs. Tous deux partagent en effet langage, religion, topographie, climat, densité de population, et ont une histoire en grande partie commune.

Les deux pays ont également une composition ethnique sensiblement identique. Le Burundi, comme le Rwanda, est composé de 10 à 14% de Tutsi – un peuple d’éleveurs bovins arrivés du nord entre le 15ème et 16ème siècle, fuyant la sécheresse – de 80 à 85% de Hutu – un peuple de fermiers venant d’Afrique centrale, arrivés dans cette région fertile quelques siècles avant ça – et d’environ 1% de Twa – la population la plus ancienne présente dans la région (Uvin, 1999). Avant la colonisation, les deux pays étaient dirigés par des monarchies Tutsi, malgré la majorité Hutu. Il faut noter qu’avant l’arrivée de l’administration belge ils vivaient une forme « d’intégration totale » : croyant en la même religion et partageant la même langue, les différents groupes vivaient côte à côte dans la même culture. Alors, l’ethnicisation de ces groupes fait débat. Si certains experts défendent l’idée que les Hutu, Tutsi et Twa ont des différences physiques majeures et des origines distinctes, d’autres pensent qu’ils s’assimilent plutôt à des groupes socioéconomiques, proches de notre compréhension d’une caste, ou d’une classe sociale, et que ces catégories ne seraient donc pas rigides (Uvin, 1999).

En revanche, il est certain que la colonisation belge a eu un impact majeur sur l’ethnicisation des deux pays. Les administrateurs, se reposant en effet sur le leadership Tutsi en place, ont contribué à fortement marginaliser la majorité Hutu. Pendant que ces derniers étaient exclus de la vie politique, l’élite Tutsi, qui se voyait réserver l’immense majorité de l’accès à l’éducation et à l’emploi, a considérablement accru son pouvoir. Alors, au contact des Belges, les relations sont devenues beaucoup plus inégalitaires et des tensions sont apparues.

Dans ces conditions, la lutte pour l’indépendance était, pour la majorité Hutu, autant un combat contre les colonisateurs belges que contre les « despotes » Tutsi (Uvin, 1999 et Schweiger, 2006). De plus, dans les deux pays, cette idéologie naissante était, depuis peu, accompagnée par des structures de discriminations institutionalisées par les Belges : les papiers d’identité ethniques sont instaurés en 1935, par les administrateurs.

Rwanda-Burundi : deux dynamiques de violences opposées.

Si avant l’arrivée des Belges les deux pays avaient beaucoup en commun, la période de l’indépendance va marquer une véritable rupture entre les deux Etats frontaliers. En effet, le Burundi, et le Rwanda vont prendre des chemins opposés suite à deux processus d’indépendance bien distincts.

Au Rwanda, entre 1958 et 1962, s’est enclenchée une révolution sociale, menée par une partie chrétienne de la population Hutu, qui va mettre fin à la monarchie Tutsi sur le pays. Elle s’est déroulée avec l’accord des Belges, qui, peu avant leur départ, avaient opéré un changement dans le pays, craignant davantage l’élite Tutsi, considérée plus à gauche, radicale et anticoloniale (Uvin, 1999). Dès 1959, des violences locales à l’encontre des minorités Tutsi éclatent. En 1961, le Parmehutu, un parti politique Hutu radical prônant des violences anti-Tutsi remporte les élections législatives et le leadership Tutsi sur le pays est renversé. Le Président Kigeli Ndahindurwaen alors en place quitte le pays, accompagné de plus de 200 000 Tutsi, se réfugiant dans les pays voisins. Depuis l’Ouganda, les réfugiés Tutsi vont s’organiser et lancent des offensives régulières sur le Rwanda, le pays plonge alors dans une guerre civile et ethnique latente. Les deux régimes militaires qui suivent n’hésitent pas à utiliser la violence et l’ethnicité comme moyen de légitimation, envenimant le conflit.

Au Burundi, en revanche, la monarchie Tutsi s’est accrochée au pouvoir et s’est maintenue dans l’Etat post-colonial qu’est devenu le pays après le départ des Belges. L’UPRONA (Union Pour le Progrès National), un parti royaliste et bi-ethnique à majorité Tutsi, dominé par le Prince Louis Rwagasore, remporte les élections en septembre 1961. Toutefois, Rwagasore est assassiné deux semaines plus tard à Bujumbura, par Jean Kageorgis, un tueur à gage grec, dans des conditions floues, accusant l’opposition chrétienne-démocrate Hutu mais aussi les colonisateurs belges. Des violences éclatent entre les différents sous-groupes ethniques pour le contrôle de l’Etat, enjeu important car garantissant le seul accès à l’exploitation des richesses du pays. En 1965, malgré la victoire Hutu aux élections parlementaires, le Roi Mwambutsa IV refuse de nommer un premier ministre Hutu. Un premier coup d’état manqué précipite alors son exil. Il est remplacé par son fils, Ntare V à la tête de la monarchie. Dans le même temps, les violences ethniques s’aggravent au Rwanda, précipitant l’arrivée de nombreux réfugiés au Burundi. Leurs arrivées, et celles de leurs histoires ne font qu’alimenter les tensions déjà existantes dans le pays. Les assassinassions politiques se multiplient, la peur se généralise, et la haine raciale se répand peu à peu dans les profondeur de la société burundaise. En novembre 1966, Michel Micombero, alors premier ministre, renverse la monarchie et proclame la république. Les Tutsi-Hima, un sous-groupe venant du sud, s’empare alors du monopole du pouvoir, reproduisant l’exclusion totale de la majorité Hutu. Jusqu’en 1993, les trois présidents du Burundi, Micombero, Bagaza et Buyoya sont tous Tutsi-Hima, et nés dans le même village, Rutova, commune de 200 habitants située au sud du Burundi (Hoofnagle, 2011 et Uvin, 1999)

Pendant les années qui suivent, le pouvoir en place dirigé par une infime minorité ethnique est confronté à une crise de légitimité totale et lutte pour se maintenir. Leur seul moyen de contrôle de l’appareil étatique est alors d’établir un régime militaire répressif très stricte, éliminant toute concurrence politique et contestation naissante. L’armée est exclusivement contrôlée et monopolisée par la minorité Tutsi, comme l’ensemble des postes importants du pays. Le régime accentue davantage encore la répression, ne pouvant se reposer sur l’ethnicité comme source de légitimation (Uvin, 1999).

En 1972, 150 000 Hutu sont assassinés par l’armée Tutsi, suite à des révoltes Hutu ayant éclatées dans les provinces sud du pays. Cet acte, catégorisé par plusieurs experts comme un génocide oublié, bouleverse le cours de l’histoire contemporaine du pays (Lemarchand, 2009). L’immense majorité de l’élite Hutu est tuée pendant ces massacres. Durant les décennies qui suivent, plus de 150 000 Hutu fuient le pays, nombres de ceux qui restent n’envoient plus leurs enfants à l’école et ne participent plus à la vie sociale par peur d’être massacrés. La terreur régnant dans le pays étouffe toute volonté de révoltes majeures durant les deux décennies suivantes, même si les violences ethniques continuent (Hoofnagle, 2011 et Uvin, 1999).

1993 – 2005 : la guerre civile burundaise.

A son arrivée au pouvoir en 1987, le Président Pierre Buyoya, réputé modéré, démarre un processus de démocratisation du pays, reposant sur trois points : une vaste campagne de propagande sur l’unité nationale, des efforts faits pour la réconciliation notamment en communiquant sur l’histoire récente du pays, ainsi qu’une égalisation de la visibilité des partis politiques Tutsi, comme Hutu. En 1988, il assemble un gouvernement d’unité nationale consacrant une quasi-parité entre ministres Hutu et Tutsi. En 1992, sous son mandat, le Burundi adopte une nouvelle constitution et des élections sont organisées. En 1993, Melchior Ndiaye, leader Hutu du FRODEBU (Front pour la Démocratie du Burundi) est élu. Le verdict est accepté par Buyoya, qui quitte le pouvoir. Toutefois, de fortes rumeurs de coup d’état planent sur le nouveau gouvernement, l’élite Tutsi et l’armée ayant toujours été au pouvoir ont du mal à accepter la déchéance (Hoofnagle, 2011).

Le 21 octobre 1993, trois mois seulement après son arrivée au pouvoir, le président Melchior Ndiaye est assassiné par des officiers Tutsi, plongeant le pays dans une guerre civile sans précédent. Des milliers de Tutsi sont tués, au centre et au nord du pays. En réaction, l’armée, toujours à majorité Tutsi, tente de restaurer l’ordre à Bujumbura, mais massacre des centaines de milliers de Hutu en représailles.

Des milices se forment et plongent le pays dans des violences ethniques de masse. Les Forces Nationales de Libération (FNL) et les Forces de Défenses de la Démocratie (FDD), milices Hutu se battent contre l’armée régulière du pays, à dominante Tutsi. Dans les trois mois suivant l’assassinat du Président, près de 100 000 personnes sont tuées, 1 million quittent le pays, et des centaines de milliers sont déplacées (Uvin, 1999). Après l’assassinat de Melchior Ndiaye et d’une grande partie de la classe politique, un Président est finalement désigné en janvier 1994. Il est assassiné quelques mois plus tard, le 6 avril, dans le même avion que le Président rwandais Habyarimana, déclenchant l’exécution du génocide rwandais.

Après une période de forte instabilité politique, le Général Pierre Buyoya, tacitement supporté par la communauté internationale, s’empare à nouveau du pouvoir à la suite d’un coup d’état (Uvin, 1999). A son arrivée en 1996, la guerre civile entre Tutsi et Hutu a déjà fait entre 150 000 et 200 000 morts au Burundi. Il met en place un gouvernement pluri-ethnique en nommant Domitien Ndayizeye, un Hutu, comme Premier Ministre. La guerre civile continue en diminuant en intensité. Toutefois, l’armée burundaise, alliée à une partie de la population civile, continue d’être au cœur de violations de droits humains, en exécutant arbitrairement des civils dans tout le pays. Pour complexifier la situation, les violences ethniques s’entremêlent avec d’autres conflits et rapports de forces sous-jacents à la région des grands lacs. En 2001, alors que la guerre civile perdure, le FNL et le FDD, deux milices Hutu s’allient contre l’armée gouvernementale, à dominante Tutsi, mais le FNL se scinde en deux factions distinctes. Si ces groupes reçoivent le soutien de la République Démocratique du Congo d’où ils opèrent, mais aussi des milices Mayi-Mayi et de différents groupes insurgés rwandais, le Burundi reçoit une aide importante des gouvernements rwandais et ougandais. Après le génocide rwandais, les milices Hutu Interahamwe et les armées génocidaires rwandaises rassemblées sous le sigle FDLR, en exil au Congo, prennent également part au conflit burundais. Le Burundi est alors engagé dans l’une des guerres civiles les plus brutales et mortelles de l’histoire moderne (Hoofnagle, 2011).

En 2000, des négociations de paix, enclenchées dès 1998 par la Tanzanie et l’Afrique du Sud débouchent sur les Accords d’Arusha, signés sous l’égide de Nelson Mandela. Cependant, ces accords prévoyant la reconstruction de l’Etat et la réconciliation n’intègrent pas toutes les parties prenantes au conflit, puisque le FNL et le FDD sont exclus de la table des négociations. Si les cessez-le-feu n’ont pas toujours été respectés, les accords représentent une avancée considérable et mèneront aux accords de Prétoria, en 2003.

Conformément aux accords, Pierre Buyoya, maintenu à la tête du pays pour organiser la transition, remet le pouvoir à Domitien Ndayizeye, son premier ministre, consacrant le partage ethnique du pouvoir.

En 2003, les Accords de Prétoria sont signés, à l’initiative de Domitien Ndayizeye, ils prévoient un plan de partage du pouvoir politique, militaire économique et social, un cessez-le-feu global, un plan d’amnistie général et posent les bases de la réintégration des insurgés dans la société burundaise. Pierre Nkurunziza, qui a pris la tête des FDD depuis 2001, accepte de signer les accords, il bénéficie d’une amnistie et devient Ministre d’Etat, les FDD se transforment en parti politique : le CNDD-FDD (Hoofnagle, 2011 et Vandeginste, 2009).

Toutefois, le FNL rejette les accords de Prétoria, continuant sa lutte contre le gouvernement burundais, mais aussi contre le CNDD-FDD, nouvellement formé. Ce dernier, établit des zones de gouvernances de facto dans certaines provinces du pays, sans tenir compte des accords préalablement signés avec le gouvernement (Hoofnagle, 2011). Les trois belligérants majeurs que sont le FDD, le FNL et le gouvernement sont impliqués dans de graves violations des droits humains. A ce titre, ils font l’objet d’une enquête de la Cour Pénale Internationale (Schweiger, 2006), dans un conflit qui perdure officiellement jusqu’en août 2005, même si de nombreux actes de violence et de torture par le FLN notamment sont rapportés par plusieurs institutions jusqu’en 2008, au moins.

Les années Nkurunziza : l’échec de la réconciliation.

En août 2005, les élections organisées au Burundi conduisent à l’élection de Pierre Nkurunziza, leader du CNDD-FDD. Ses premiers pas à la tête du pays sont encourageants. Il s’attache à traduire les mesures des accords d’Arusha et de Prétoria dans la politique intérieure du pays. Ses priorités sont la démobilisation et la réintégration des groupes armés. Il met en place un gouvernement pluri-ethnique et mène des réformes économiques. Alors que la situation burundaise n’est pas encore parfaitement stabilisée, il engage également de nombreux soldats burundais dans les opérations onusiennes de maintien de la paix, participant ainsi aux efforts de la communauté internationale en Côte d’Ivoire ou Centrafrique notamment.

A ce titre, il a été récompensé du grade de « Commandant du Soldat de la Paix » par l’AISP/SPIA, lors d’une cérémonie à l’UNESCO – cérémonie qui a également permis de faire rentrer les tambours du Burundi au patrimoine mondial. Acteur de la réconciliation nationale suite à la signature des accords de Prétoria, il est le premier chef d’Etat à recevoir cette récompense.

Toutefois, malgré de premiers signes encourageants, l’insécurité et la corruption persistent dans le pays. Pierre Nkurunziza est réélu en 2010, alors qu’il était le seul candidat d’une élection fortement contestée par les candidats de l’opposition, qui s’étaient tous retirés dénonçant la mascarade. Son second mandat est alors placé sous le signe d’un mécontentement global de la population civile et d’une répression croissante. En 2015, de violentes manifestations éclatent à Bujumbura lorsque Pierre Nkurunziza annonce qu’il projette d’effectuer un troisième mandat, contrairement à la limite fixée par la Constitution du pays et par les accords d’Arusha. Si la cour constitutionnelle burundaise jugea la démarche légale, les affrontements entre l’appareil répressif d’Etat et l’opposition conduisent à une nouvelle escalade de la violence dans le pays.

Malgré une tentative de coup d’état résultant en une purge de la classe politique, ainsi qu’à de nombreux cas reportés de tortures et d’assassinats, Pierre Nkurunziza est réélu, en juillet 2015, pour un troisième mandat. Les épisodes répétés de violence donnent lieu à un exode massif de la population burundaise, près de 350 000 personnes gagnent ainsi le Rwanda. Son troisième mandat est celui de l’isolation. Jusqu’alors plutôt ignorée, la gouvernance burundaise est de plus en plus condamnée par la communauté internationale. En 2018, après avoir retiré son pays du statut de Rome, il annonce qu’il quittera le pouvoir à la fin de son troisième mandat. En mai 2020, Évariste Ndayishimiye, son successeur désigné à la tête du CNDD-FDD est élu Président de la République burundaise. La passation de pouvoir, initialement prévue en août 2020 devait mettre un terme aux quinze années de Nkurunziza aux commandes du pays.

Evariste Ndayishimiye : le Burundi face à son avenir.

Ce lundi 8 avril, le Président Pierre Nkurunziza est décédé à l’hôpital de Karuzi à l’âge de 55 ans. Si son successeur, Évariste Ndayishimiye, est déjà désigné, la passation n’ayant pas été effectuée laisse un vide au sommet de l’Etat. A Bujumbura, peu d’inquiétudes, le Président de l’Assemblée Nationale devrait assurer la transition et accélérer la passation de pouvoir à Évariste Ndayishimiye, déjà leader du parti au pouvoir. Cependant, il apparaît important de ne pas faire perdurer cette période d’incertitude, dans un pays où la junte militaire issue d’une partie dissidente du CNDD-FDD reste très influente.

Si l’opposition dresse un bilan négatif des quinze années qui viennent de s’écouler, Évariste Ndayishimiye est désormais face à son avenir. Le décès brutal de Pierre Nkurunziza, qui aura contrôlé le régime pendant plus d’une décennie permettra certainement au président entrant de s’émanciper et d’imposer sa propre ligne politique, ce qui pourrait représenter une opportunité pour le Burundi – l’opposition veut y croire.

C’est également le cas de la communauté internationale qui semble voir d’un bon œil le changement de pouvoir au Burundi. Malgré les résultats contestés de son élection en juin dernier, Évariste Ndayishimiye avait reçu des signes positifs de la part des Nations Unies, de Washington ou encore de la Tanzanie, encourageant le pays à s’ouvrir et à s’efforcer de promouvoir un climat d’harmonie dans la région.

Le défi de la réconciliation qui se présente reste toutefois important. Depuis la fin de la guerre civile et vingt ans après la signature des accords d’Arusha, des avancées vers la pacification et la démocratisation ont été faites mais la répression de l’opposition, des tendances autoritaires, ainsi que des violences de basses intensités subsistent dans le pays.

Une des interrogations autour d’Évariste Ndayishimiye est sa future capacité à contrôler les Imbonerakure, outil de répression du CNDD-FDD qui semble s’intégrer de manière croissance aux forces sécuritaires nationales et jouir d’une impunité générale. Le groupe, catégorisé comme une milice par l’ancien Haut-Commissaire des Nations Unies aux droits de l’Homme, est accusé de graves violations des droits humains par de nombreuses organisations.

L’autre enjeu majeur pour le pays sera la gestion de l’afflux de réfugiés, qui devraient peu à peu revenir au Burundi, suite à l’accord bilatéral signé avec la Tanzanie prévoyant le rapatriement d’environ 200 000 d’entre eux. Leur réintégration au tissu social et la gestion de leurs mémoires sera un enjeu déterminant pour la réconciliation du pays, permettant ou non, d’éviter l’exacerbation des tensions identitaires toujours présentes. Le retour de ces réfugiés va également intensifier la compétition pour le contrôle des terres dans un pays déjà parmi les plus densément peuplé d’Afrique. Le problème du partage des ressources terriennes, récurrent à l’histoire du pays, a en effet, par le passé, expliqué de nombreuses tensions entre populations. Finalement, il sera crucial de ne pas tomber dans une catégorisation des réfugiés retournant au Burundi. Souvent associés à l’opposition, l’accueil des réfugiés sera déterminant pour la réconciliation et la démocratisation future du pays. Les divisions politiques ne doivent en aucun cas éveiller de nouvelles divisions identitaires et ethniques dans un pays qui en a déjà trop souffert (Wilén, 2019).

Finalement, la communauté internationale et les puissances régionales appellent Évariste Ndayishimiye à l’ouverture. Si son prédécesseur avait récemment fermé le pays à toute présence occidentale, se tournant davantage vers la Russie et la Chine, Évariste Ndayishimiye aura le choix de tendre la main, ou non, aux médiations proposées par l’Union Africaine, la Communauté d’Afrique de l’Est (EAC) ou la Tanzanie.

Avec plus de 340 000 réfugiés éclatés dans la région et des tensions naissantes avec le Rwanda enclin à supporter l’opposition du régime située à l’extérieur du pays, le déclenchement d’une crise au Burundi aurait des répercussions dans toute la région (Wilén, 2019). Celle-ci est déjà déstabilisée par la présence de nombreux groupes armés et est gravement meurtrie depuis 2018, par d’importantes épidémies d’Ebola. Alors, bien que la liste des défis à relever pour Évariste Ndayishimiye soit longue, le Burundi est à nouveau face à son avenir. Si l’ensemble des acteurs concernés apprennent de leurs erreurs passées, tous les espoirs sont à nouveau permis.

Article rédigé par Jules DUMAS, stagiaire à l’AISP/SPIA et membre de l’Académie Internationale de la Paix.

Bibliographie :

  • Uvin, Peter. « Ethnicity and Power in Burundi and Rwanda: Different Paths to Mass Violence. » Comparative Politics 31, no. 3 (1999): 253-71.
  • Lemarchand, René. « Burundi 1972: A Forgotten Genocide. » In The Dynamics of Violence in Central Africa, 129-40. University of Pennsylvania Press, 2009.
  • Hoofnagle, Kara. « Burundi: A History of Conflict and State Crime. » In State Crime: Current Perspectives, edited by Rothe Dawn L. and Mullins Christopher W., by Chambliss William J. and Bassiouni M. Cherif, 142-61. Rutgers University Press, 2011.
  • Wilén, Nina. “Burundi on the Brink Again?: Identifying Risks before the 2020 Elections.” Egmont Institute, 2019.
  • Romana Schweiger. « Late Justice for Burundi. » The International and Comparative Law Quarterly 55, no. 3 (2006): 653-70.
  • Vandeginste, Stef. « Power-Sharing, Conflict and Transition in Burundi: Twenty Years of Trial and Error. » Africa Spectrum 44, no. 3 (2009): 63-86.

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Crédits photo : STRINGER/AFP