
La République démocratique du Congo est un régime semi-présidentiel, avec Félix Antoine Tshisekedi Tshilombo en tant que Chef de l’État depuis le 24 janvier 2019 et réinvesti le 20 janvier 2024 pour un second mandat. Aussi, depuis le 1er avril 2024, Judith Suminwa Tuluka occupe le poste de Chef du Gouvernement, première femme à occuper ce poste en République démocratique du Congo. La République démocratique du Congo (RDC) a vécu la première transition pacifique de son histoire, au terme des élections du 30 décembre 2018, avec l’accession au pouvoir de Félix Tshisekedi Tshilombo. Celui-ci commence sa carrière politique au sein du parti de son père, l’Union pour la démocratie et le progrès social (UDPS). Il est réélu avec 74,4% des voix en décembre 2023. À partir de 2020, il rompt progressivement avec son prédécesseur, Joseph Kabila, en ralliant plusieurs députés de son parti, et fonde une large coalition présidentielle, l’Union sacrée. Sa coalition l’Union sacrée de la Nation (USN) dispose aujourd’hui d’une assez large majorité à l’Assemblée nationale et au Sénat. Judith Suminwa Tuluka, ministre du plan, a été nommée première ministre de la République démocratique du Congo (RDC), le 1er avril 2024. Mme Suminwa Tuluka succède à Jean-Michel Sama Lukonde, premier ministre depuis février 2021, qui avait présenté sa démission le 21 février 2024.
En 2021, le président a été contraint de déclarer l’état de siège dans les provinces orientales de l’Ituri et du Nord-Kivu en raison de l’aggravation des violences commises par les groupes armés, au premier rang desquels le M23, ancienne rébellion tutsi accusée par Kinshasa d’être téléguidée par Kigali. La Communauté de l’Afrique de l’Est (EAC) a accepté de déployer dans l’est de la RDC une force régionale conjointe pour aider à pacifier la région. Mais en parallèle, Tshisekedi souhaite aussi que la Communauté de développement de l’Afrique australe (SADC) s’implique davantage. L’état de siège avait pour objectif de pacifier l’est du pays, frontalier avec le Rwanda et l’Ouganda. Cependant, près de quatre ans après son instauration, la violence et l’insécurité règnent toujours dans la région. Le 8 mai 2025 à Kinshasa, la Première ministre, Judith Suminwa Tuluka, a eu des échanges, ce jeudi, avec les chefs d’agences des Nations Unies dans le cadre de la retraite de l’Équipe pays des Nations Unies en RDC. Selon elle, la crise sécuritaire à laquelle l’Est du pays fait face est une grande priorité. De plus, le président a œuvré pendant son premier quinquennat et celui actuel, pour tenter de résoudre les conflits dans plusieurs parties du pays, réformer la justice et promouvoir la décentralisation. En effet, il a notamment lancé en novembre 2021 de
l’opération « Shujaa », étant une opération conjointe entres les armées congolaise et ougandaise contre les éléments du groupe Forces démocratiques alliées (ADF). Il s’agit d’une rébellion ougandaise basée dans le Nord-Kivu depuis les années 1990. Outre des attaques régulières contre les populations civiles, les ADF ont prêté allégeance aux djihadistes de l’Etat islamique. Les armées ougandaise et congolaise sont parvenues à repousser les ADF au-delà des principales agglomérations, et donc à diminuer de manière significative leur capacité de nuisance. Malheureusement, ces rebelles n’ont pas arrêté leurs attaques contre les civils.
L’Est de la République démocratique du Congo se trouve donc déstabilisé par l’action du groupe armé M23, ayant repris les combats à l’automne 2021, et qui occupe une partie de la province du Nord-Kivu. Également, des miliciens islamistes originaires de l’Ouganda sont actifs dans le Nord-Kivu, les « Allied Democratic Forces » (ADF). L’activité de ces groupes armés dans la région est la cause d’une crise humanitaire majeure, avec plus de 7 millions de déplacés internes au pays. Ainsi, face à cette crise, l’ONU se doit de réagir et de tenter d’y remédier. L’ONU intervient pour la première fois en RDC après l’indépendance du pays, le 30 juin 1960 et déploie pour la première fois quelques semaines plus tard l’Opération des Nations unies au Congo (ONUC). C’est une mission de maintien de la paix par l’intervention de l’ONU avec des casques bleus et civils qualifiés.
Qu’est-ce que les casques bleus ?
Les casques bleus sont des forces multinationales, acteurs des opérations de maintien de la paix sous l’autorité de l’Organisation des Nations Unies (ONU). Ils représentent dans le cadre de leur mission la communauté internationale dans une zone de conflits. Ils ne peuvent recourir à la force qu’en cas de légitime défense. Aussi, ils sont chargés dans le cadre leurs missions d’observer, afin d’informer sur l’évolution de la situation, et de s’interposer afin d’éviter une reprise des hostilités. Les casques bleus sont des civils, des militaires et des policiers qui travaillent ensemble. Ils ont des rôles et des responsabilités qui peuvent évoluer en fonction des missions de maintien de la paix. Ainsi, les opérations de maintien de la paix ne sont plus un simple contrôle du respect du cessez-le-feu en place s’il y en a un. Il y a également la protection des civils, la défense des droits de l’Homme et la promotion de l’État de droit. Ainsi, les missions de ces acteurs sous l’autorité de l’ONU se sont largement développées afin de garantir la sécurité des populations se trouvant dans des zones de guerre ou en proie à des crises. Lorsqu’ils servent la cause de l’ONU, les casques bleus sont unis par l’engagement à maintenir ou à rétablir la paix et la sécurité dans le monde.
L’ONU intervient pour la première fois en RDC après l’indépendance du pays, le 30 juin 1960. L’ONU déploie en juillet 1960 l’Opération des Nations unies au Congo (ONUC). Le 1er juillet 2010, la MONUSCO a remplacé la Mission de l’organisation des Nations Unies en République démocratique du Congo (MONUC), en application de la résolution 1925 du Conseil de sécurité datée du 28 mai 2010. Depuis le début du conflit à l’automne 2021, qui s’est intensifié ces dernières années, la MONUSCO s’efforce de protéger les civils, y compris dans les zones sous le contrôle du groupe armé M23, soutenu par les forces rwandaises. Aussi, la cheffe de la MONUSCO explique que la mission onusienne a été associée aux efforts de médiation menés par l’Angola, auxquels elle a apporté sa « connaissance physique du terrain », et est prête à encourager « l’observation d’un vrai cessez-le-feu » dans l’est de la RDC. De plus, dans son rôle de protection des civils, la MONUSCO accueille notamment dans ses bases des milliers de personnes qui sont venues y trouver refuge, leur offrant ainsi une protection physique. Le mandat de la MONUSCO a été élargi incluant la protection des civils et l’appui au gouvernement congolais dans le renforcement de la paix et de la stabilité.
Le retrait des casques bleus de la République démocratique du Congo
Depuis de nombreuses années, la MONUSCO est en proie à une crise de légitimité importante. En effet, son image se trouve être endommagée au sein de l’opinion publique congolaise, en raison de multiples massacres ayant eu lieu dans la zone de déploiement de la mission. La MONUSCO essuie de nombreuses plaintes par rapport à sa gestion des attaques par les groupes armées dans les différentes parties de la RDC. La MONUSCO a entamé, à la demande de la RDC, le retrait de ses troupes au Sud-Kivu en juin 2024. Cependant, les casques bleus de cette même mission demeurent dans le Nord-Kivu et l’Ituri. Paradoxalement, ce retrait réclamé par le gouvernement congolais a commencé à être mis en œuvre en plein nouveau conflit avec le M23.
Le 22 novembre 2023, un plan de retrait de la MONUSCO en RDC a été signé par la représentante spéciale en RDC du Secrétaire général des Nations unies, la Cheffe de la MONUSCO, Bintou Keita et le Vice-Premier ministre congolais. Selon Thierry Vircoulon, chercheur associé et coordinateur de l’Observatoire de l’Afrique centrale et australe, Centre Afrique Subsaharienne de l’Institut français des relations internationales (Ifri) se demande « de quel maintien de la paix on parle exactement parce que depuis 20 ans, il n’y a pas de paix dans les Kivu« . « La vérité, ajoute-t-il, c’est que la MONUSCO, elle a complètement échoué« . Ainsi, il fait état de l’incapacité et l’inefficacité de la mission des Nations unies à protéger les civils mis en danger par les différents groupes armés en RDC, comme le M23. Le bilan est tiré au moment où les actions du M23 se font de plus en plus fréquentes et violentes. Aussi, une grande partie de la population congolaise souhaite le départ de la MONUSCO et elle le montre par des manifestations au cours de l’été 2023 contre l’organisation onusienne.
En septembre 2023, le président de la République démocratique du Congo, Félix Tshisekedi, a appelé à un retrait « accéléré » des casques bleus du territoire congolais. En effet, cela est le résultat du constat fait par le président et des diplomates, comme Pierre Jacquemot. Selon un ancien ambassadeur en RDC, Pierre Jacquemot, « Les Nations unies, à travers la Monusco, ne sont pas arrivées à extirper la violence de cette région. Les populations reprochent à leurs forces de toujours arriver après coup, de ne rien anticiper et de ne pas avoir de mandat offensif ». De plus, le sujet du retrait de la MONUSCO s’inscrit dans une série de manifestations contre la présence des casques bleus dans le pays. Ainsi, selon Félix Tshisekedi « L’accélération du retrait de la Monusco devient une nécessité impérieuse pour apaiser les tensions entre cette dernière et nos concitoyens ». Cependant, en décembre 2023, le Conseil de Sécurité des Nations unies a étendu le mandat de la mission MONUSCO pour une autre année, tout en lançant le processus de désengagement de la Mission en RDC. Ce processus commence par le retrait des forces armées de la mission MONUSCO, de la province du Sud-Kivu d’ici avril 2024. Des civils spécialisés dans ce processus resteront présents pour appuyer et soutenir la transition.
Le 30 juin 2024 a signifié la fin de la mission MONUSCO au Sud-Kivu, ce qui représente une étape fondamentale du désengagement de la Mission en RDC. Ainsi, la MONUSCO se limite au Nord-Kivu et à l’Ituri. Cependant, bien que la MONUSCO se désengage au Sud Kivu, à partir du 1er juillet 2024, une équipe de 34 civils reste dans la région afin d’apporter une aide aux agences et programmes des Nations unies. Une aide précieuse afin de maintenir la protection de l’enfant et le dialogue avec les communautés. Ainsi, dans ce plan de retrait de la MONUSCO il y avait trois étapes correspondant à trois régions : le Sud-Kivu, le Nord-Kivu et l’Ituri. Cependant, les autorités du pays font face à un certain nombre de défis à la suite du retrait progressif des casques bleus. Ainsi, elles réclament également un transfert progressif des tâches critiques, comme la protection des civils, avec l’appui direct des experts et des ressources de la MONUSCO. Le départ de cette mission de la RDC n’est donc pas prêt d’être achevé. Le retrait des Casques bleus a commencé au Sud-Kivu et s’est achevé le 1er Juillet 2024. Ensuite était prévue la fermeture des bases et activités de la MONUSCO autour de Beni dans le Nord-Kivu, puis en Ituri, et enfin celle de Goma, la
capitale du Nord-Kivu. Ce plan suivait ces différentes étapes de retrait des casques bleus en raison d’une évaluation minutieuse selon laquelle la province du Sud-Kivu était la moins conflictogène des trois provinces dans lesquelles les Casques bleus étaient déployés. Ainsi, cela faisait sens de débuter ce retrait progressif par la province du Sud-Kivu.
L’ONU et sa mission de maintien de la paix en RDC lors du premier conflit avec le M23 semblent n’avoir pas réellement eu de rôle actif dans le règlement de cette crise. En effet, La mission d’interposition entre les belligérants a été réalisée par des forces régionales de l’EAC puis de la SADC. Ainsi, l’ONU semble n’avoir ni rôle politique ni rôle militaire dans ce conflit, à l’inverse de ce qui s’est passé pendant le premier conflit avec le M23 où elle cumulait les deux rôles. Les États-Unis et le Royaume-Uni ont exhorté le Conseil à prendre des mesures qui sont plus que nécessaires afin de mettre un terme au conflit ou du moins instaurer un cessez-le-feu. Aussi, de nombreuses autres délégations ont réitéré leur soutien aux activités de protection des populations civiles de la MONUSCO. De plus, des suites des attaques contre des soldats de la paix, les délégations et l’ONU ont condamné fermement ces attaques ayant eu pour conséquence la perte de nombreuses vies humaines.
Une offensive lancée en janvier 2025 par le groupe armé M23, avec le soutien du Rwanda, continue d’aggraver la situation dans les provinces du Nord- et du Sud-Kivu. Ainsi, la MONUSCO fait face à des difficultés pour assumer son mandat de protection des civils sous le contrôle du M23, qui occupe la ville depuis fin janvier.
Ainsi, face à ces défis, la MONUSCO ne peut se désengager totalement de la RDC. En effet, bien que le processus soit déjà en cours, il n’est pas prêt d’être finalisé en raison de la crise humanitaire qui ravage le pays. Les casques bleus de la mission ne sont plus présents dans le Sud-Kivu, mais le sont toujours dans le Nord-Kivu afin de soutenir les troupes nationales contre le groupe armée M23. Ce groupe qui commet de nombreux crimes de guerre et qui fait régner une violence extrême dans la région est un enjeu majeur pour la MONUSCO qui peine à remplir ses missions de maintien de la paix et de protection des civils. Le retrait total de la MONUSCO semble être compromis en raison du contexte actuel de guerre et des tensions régionales.
Guilhem G.
Bibliographie :
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- Vircoulon, Thierry. La Mission des Nations unies au Congo ou l’exemplaire inutilité des Casques bleus. Notes de l’Ifri, Institut français des relations internationales (Ifri), février 2025.
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- RFI. “RDC : vers un retour de la MONUSCO au Sud-Kivu.” Radio France Internationale, 19 mars 2025, https://www.rfi.fr/fr/afrique/20250319-rdc-vers-un-retour-de-la-monusco-au sud-kivu.
- RFI. Esdras Ndikumana. “Les conflits dans les Kivu en RDC : décryptage d’une crise à six dimensions.” Radio France Internationale, 2 mai 2025, https://www.rfi.fr/fr/connaissances/ 20250502-les-conflits-dans-les-kivu-en-rdc-décryptage-d-une-crise-à-six-dimensions.
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- Le Monde. « À l’ONU, le président congolais Félix Tshisekedi insiste pour un retrait accéléré des casques bleus. » Le Monde, 21 sept. 2023, www.lemonde.fr/afrique/article/2023/09/21/a-l onu-le-president-congolais-felix-tshisekedi-insiste-pour-un-retrait-accelere-des-casques bleus_6190282_3212.html. Consulté le 28 mai 2025.
- Le Monde. Madjid Zerrouky et Pierre Breteau. “République Démocratique du Congo : comprendre la crise oubliée que dénoncent les footballeurs de la CAN.” Le Monde, 10 févr. 2024, https://www.lemonde.fr/les-decodeurs/article/2024/02/10/republique-democratique-du congo-comprendre-la-crise-oubliee-que-denoncent-les-footballeurs-de-la can_6215870_4355770.html.