Introduction

Après plus de dix-huit ans de guerre en Afghanistan, les États-Unis et les Talibans sont parvenus à un accord sur des efforts plus intensifs des deux parties pour mettre fin à la guerre. Au cœur de l’accord se trouve un important retrait des troupes américaines et une garantie de la part des Talibans que le pays ne deviendra pas un refuge pour les terroristes[1].

Cependant, les experts soulignent que l’accord entre l’administration du président américain Donald J. Trump et la direction des Talibans n’est que la première étape vers l’instauration d’une paix durable. Selon eux, le plus grand défi sera de négocier un accord entre le groupe fondamentaliste islamiste et le gouvernement afghan sur l’avenir de l’Afghanistan. De nombreux Afghans, épuisés par une guerre qui a tué des milliers de personnes et forcé des millions à fuir en tant que réfugiés, craignent qu’un retrait américain ne déclenche un nouveau conflit et permette finalement aux Talibans de reprendre le contrôle[2].

Les Talibans disent aujourd’hui qu’ils se sentent victorieux, mais la guerre n’est pas encore terminée. Le groupe a fait une concession substantielle en acceptant d’engager pour la première fois des pourparlers avec des représentants du gouvernement afghan, des représentants de l’opposition et des membres de la société civile le 10 mars.

Durent la négociation, l’Emirat des Talibans reconnu par L’Etats-Unis, demandait à pouvoir intégrer le pouvoir actuel en Afghanistan. Il voulait clairement partager le pouvoir avec le gouvernement en place soutenu par les Américains et par la communauté internationale (UNO). Pour ce partage, Il avait proposé des conditions afin de rectifier la structure du gouvernement. Parmi elles, on retrouve l’élimination des femmes de la scène politique et sociale, en supprimant le ministère des femmes, les organisations des femmes et en limitant les activités des femmes. Alors que ça fait des années que les femmes afghanes se battent pour leurs droits.

A l’époque des Talibans, les femmes ont subi une vie limitée et elles étaient enfermées dans leur maison. Elles n’avaient aucun droit sans permission de l’homme de la famille. Les femmes n’avaient pas le droit d’aller à l’école. Le mariage des filles mineures était arrangé et les femmes étaient totalement soumises.

En 2001, suite à l’intervention des forces internationales, la question des femmes est devenue la priorité dans l’agenda du gouvernement de président Karzai[3].  Par ailleurs, les femmes étaient encore limitées par les traditions et le pouvoir patriarcal qui régnait sur la société afghane. Pendant ces 20 ans, la question des femmes est un sujet important et la condition des femmes ne s’est pas améliorée.

L’éducation des femmes, le mariage des mineures, la participation des femmes sur la scène politique et sociale, la condition économique et le droit des femmes sont encore les sujets d’actualité de la société afghane post-Talibans.

Les américains ont annoncé à plusieurs reprises qu’ils sont toujours aux côtés des femmes à l’heure où cet accord mettrait la condition des femmes en péril. Il est important d’appréhender l’avenir des femmes afghanes suite après 20 ans de mobilisation. La condition des femmes va être réduite avec l’intervention des Talibans sur la scène politique.

Les Talibans n’auraient pas pris compte de la présence des femmes dans leurs activités et selon leurs discours déjà annoncés, ils ne sont pas d’accord avec la présence des femmes sur la scène politique et sociale.

Cet article s’occupe de la question des femmes afghanes et leurs préoccupations avec le retour des Talibans sur la scène politique. Nous allons analyser au premier rang, la condition des femmes après 2001, les femmes afghanes politiquement et socialement actives et leurs inquiétudes sur le retour des Talibans. Finalement, nous analyserons l’avenir des femmes en Afghanistan sous les Talibans.

Situation des femmes : amélioration ou dégradation en 2020

Les femmes afghanes représentent 49% de la population du pays. Néanmoins, elles font face à des défis fondamentaux liés à leur participation au développement économique national.

Comme dans toutes les sociétés déchirées par la guerre, les femmes souffrent de manière disproportionnée. L’Afghanistan est toujours classé comme étant le pire endroit au monde pour une femme. Malgré les efforts du gouvernement afghan et des donateurs internationaux depuis 2000 pour éduquer les filles, on estime que deux tiers des filles afghanes ne vont pas à l’école.

En 2020, il est important de savoir que plus de 87% des femmes afghanes sont analphabètes, tandis que 70 à 80 % d’entre elles sont confrontées au mariage forcé, avant l’âge de 16 ans pour la plupart.

Selon l’enquête sur les conditions de vie en Afghanistan (2016-2017), 80% des hommes et seulement 20% des femmes représentent la population économique active (OSC, 2017a). En 2011, le montant brut estimé du revenu national par habitant pour les femmes (PPP1  511 USD) était six fois inférieur à celui des hommes (PPP USD 3148) (PNUD, 2016, p.5). Dans le même temps, le peuple afghan a commencé à accepter l’idée de transformer les femmes en agents économiques actifs.

Selon une enquête réalisée par l’ « Asia Foundation » (2017), 64% des hommes et 81% des femmes conviennent que les femmes devraient être autorisées à travailler en dehors du foyer. S’il y a une intégration réussie des femmes dans l’économie du pays, la population féminine pourrait devenir un élément précieux du capital humain contribuant au développement de l’Afghanistan.

La constitution afghane, établie en 2004, stipule dans l’article 22 sur l’égalité des sexes :

«Toute forme de discrimination et de privilège entre les citoyens afghans est interdite. Les citoyens de l’Afghanistan, homme ou femme, ont des droits et des devoirs égaux devant la loi.»

En outre, les articles 43 et 44 de la Constitution garantissent le droit des femmes à l’éducation tandis que l’article 48 codifie leur droit au travail.

Le gouvernement afghan a créé le ministère des Affaires féminines (MoWA) et l’Afghanistan Independent Commission des droits de l’homme (AIHRC) afin de respecter l’engagement de la constitution en faveur des droits des femmes. Le gouvernement a également lancé un Plan d’action national sur 10 ans pour les femmes (NAPWA), qui est entré en vigueur en 2008.

Outre les documents juridiques susmentionnés, la Stratégie nationale de développement de l’Afghanistan (ANDS) contient une «Stratégie transversale pour l’égalité des sexes» (AGE-CCS). AGE-CCS intègre le genre dans les 23 secteurs dans l’ANDS et dans les stratégies liées à l’ANDS adoptées par les ministères du gouvernement afghan. MoWA a également adopté une stratégie à trois piliers pour garantir la réalisation de la vision du gouvernement:

  • L’élimination de toutes les formes de violence contre les femmes;
  • Le développement des ressources humaines;
  • Faciliter la participation des femmes aux affaires politiques.

Toutes ces lois et ces décisions  paraissent difficilement applicables sans garantie. Depuis 2001, les associations et les institutions s’engagent pour l’amélioration de la condition des femmes mais le résultat n’est pas satisfaisant.

Dans la  majorité du pays, la condition des femmes se détériore à cause de la guerre civile et la guerre avec les Talibans.

Le retour des Talibans et l’inquiétude des femmes

Les Talibans n’étaient pas éliminés totalement du pays suite à l’intervention des forces internationales. En 2001, les forces internationales ont essayé de les repousser vers les endroits moins peuplés. Ils sont néanmoins restés présents en Afghanistan.

Si on regarde sur la carte du pays, plus de 50% des terrains sont sous leur autorité. Depuis 2001, ils avaient annoncé une guerre contre les Américains et le gouvernement. Ils ont commis plusieurs attentats dans les villes les plus peuplés du pays ou pendant des cérémonies. Plus de 100 000 Afghans ont été blessés ou tués au cours de ces 10 dernières années où les Nations Unies ont commencé à documenter systématiquement les pertes civiles, et il n’y a pas un seul citoyen afghan dont la vie n’a pas été affectée par cette guerre.

Plus de 18 ans de combats n’ont pas réussi à éradiquer les groupes d’insurgés, et davantage pourrait être fait en intensifiant l’attention portée au conflit. Finalement les Talibans ont signé un contrat avec les Américains qui n’est pas valide pour le gouvernement afghan. Ensuite, les Talibans ne reconnaissent pas le gouvernement actuel du pays. Ils n’ont pas arrêté les attentats contre le gouvernement et le peuple.  Dans ce cas-là, les femmes seront les victimes de premier rang si les Talibans montent sur la scène politique.

Aujourd’hui, les femmes sont très actives et travaillent dans les lieux publics. Elles portent moins le voile et sont contre le voile intégral. Elles sont engagées dans le combat contre la discrimination et pour l’égalité Homme/Femme, ce que n’apprécient pas les Talibans.

L’avenir des femmes

Depuis 2001, le gouvernement a rendu explicite plus de 2 300 engagements envers les femmes d’Afghanistan ou l’égalité Homme/Femme dans les lois, traités et accords politiques et documents stratégiques, un chiffre qui ne prend même pas en compte les nombreux engagements verbaux pris par le passé depuis quatorze ans. Le gouvernement a également mis l’accent sur ses engagements en faveur des droits des femmes. Ces engagements couvrent un large éventail de domaines, allant de l’éducation et la santé  aux services Internet et à la sensibilisation du public aux droits des femmes en Islam. Malgré un solide engagement verbal du gouvernement, les progrès réalisés pour les femmes en Afghanistan sont largement en deçà de ses objectifs ambitieux.

Si les Talibans arrivent au pouvoir, les femmes ne peuvent pas se mobiliser facilement afin d’améliorer leurs droits. Depuis 2001, elles sont déjà en difficulté pour s’intégrer dans une société patriarcale. En ce qui concerne l’intégration de la dimension de genre, même les femmes sont mal informées. Elles seront dans une situation gravement dégradée.

Conclusion 

Les négociations pour la paix entre les Américains et les Talibans sont un grand enjeu pour les droits des femmes et les droits de l’Homme. En général, la condition des femmes est en lien avec tous les niveaux politique, social et économique en Afghanistan. Les femmes étaient souvent menacées, limitées et oppressées sous les Talibans et ils sont actuellement en guerre avec les femmes afghanes et les droits des femmes depuis 2001.

Les Talibans ont déclaré clairement qu’ils ne sont pas en accord avec les activités des femmes et l’apparition des femmes dans la société et sur la scène politique. L’accord du 29 février 2020 est un échec pour les femmes et les droits des femmes. C’est-à-dire que les femmes se retrouveraient dans une condition plus difficile. Les activistes et les militants seront en danger et toutes leurs activités effectuées durant ces 18 dernières années pour l’amélioration des droits des femmes se solderont en échec.

Elles seront encore soumises et désespérées dans une société patriarcale. L’économie rencontrera des difficultés en l’absence des femmes car elles sont très actives dans les domaines économiques comme les fabrications des tapis, les domaines ruraux et les relations économiques régionales.

En l’absence d’éducation, la santé sociale et la santé des femmes seront détériorées et la société sera dans une crise totale.

B.F.MOSSAVI

Docteur en Science politique

Membre de l’académie de la Paix (AISP-SPIA)

Bibliographie :

UNITED STATES INSTITUTE OF PEACE, SPECIAL REPORT, 1200 17th Street NW, Washington, DC 20036, 202.457.1700: https://www.usip.org/sites/default/files/sr94.pdf

Lindsay Maizland, U.S.-Taliban Peace Deal: What to Know, 2 March 2020:  https://www.cfr.org/backgrounder/us-taliban-peace-deal-agreement-afghanistan-war.

Afghanistan: Background and U.S. Policy In Brief, Congressional Research Service https://crsreports.congress.gov R45122: https://fas.org/sgp/crs/row/R45122.pdf

[1]Agreement for Bringing Peace to Afghanistan between the Islamic Emirate of Afghanistan which is not recognized by the United States as a state and is known as the Taliban and the United States of America February 29, 2020 which corresponds to Rajab 5, 1441 on the Hijri Lunar calendar and Hoot 10, 1398 on the Hijri Solar calendar : https://www.state.gov/wp-content/uploads/2020/02/Agreement-For-Bringing-Peace-to-Afghanistan-02.29.20.pdf

[2]Signature d’un accord historique entre les Etats-Unis et les talibans après 18 ans de guerre :

https://www.lemonde.fr/international/article/2020/02/29/afghanistan-signature-d-un-accord-historique-entre-les-etats-unis-et-les-talibans_6031351_3210.html

[3]Hamed Karzai était premier président de l’Afghanistan après Taliban.