Introduction 

Le 14 décembre de cette année marquera le 70e anniversaire de l’adhésion de l’Espagne à  l’Organisation des Nations Unies. Depuis son entrée en 1955, le rôle de l’Espagne au sein de  l’ONU n’a cessé de gagner en importance, notamment après sa transition démocratique de la fin  des années 1970. L’Espagne s’est progressivement affirmée comme une référence mondiale dans  la lutte contre le terrorisme international, la protection des droits humains, la promotion du développement durable et la défense de la démocratie. Elle est également devenue l’un des  principaux contributeurs financiers de l’ONU, ainsi que l’un des pays les plus impliqués dans les  missions de maintien de la paix. 

Bien que l’Espagne ait rejoint le Comité Spécial des Opérations de Maintien de la Paix (C34) dès  1965, ce n’est qu’en 1989 qu’elle commence à y participer activement, en réponse aux nouvelles  dynamiques après la Guerre Froide. Depuis lors, plus de 137 000 membres des Forces armées et  des Forces et Corps de sécurité de l’État ont été déployés à l’étranger dans plus de 50 opérations, allant du maintien de la paix et de la consolidation de la paix, à l’aide humanitaire, en passant  par des missions d’observation et de vérification. La contribution espagnole se distingue par le  professionnalisme, l’efficacité et l’intégrité de ses forces, qui jouissent d’un grand prestige en  tant qu’acteurs de paix et de sécurité internationales.  

La perception d’un pays à l’échelle mondiale est essentielle à sa réputation et sa crédibilité dans  les relations internationales, jouant un rôle clé dans les stratégies de construction de son image  nationale. À cet égard, les actions de l’Espagne, fondées sur des valeurs telles que l’engagement  multilatéral, la solidarité mondiale et le respect du droit international, sont fondamentales pour  son image stratégique au sein de la communauté internationale. 

Cet article vise à offrir une présentation détaillée des contributions de l’Espagne aux opérations  de maintien de la paix des Nations Unies (OMP), afin de mieux comprendre son rôle sur la scène  mondiale.  

Historique et évolution 

L’implication de l’Espagne dans les opérations de paix des Nations Unies a évolué au fil des  décennies. D’abord modeste lors de la phase d’expansion des missions de paix, elle s’est élargie  progressivement, jusqu’à devenir aujourd’hui l’un des 153 pays signataires de l’initiative Action  pour le Maintien de la Paix (A4P), lancée par António Guterres en 2018. L’Espagne fut également  l’un des premiers pays à soutenir la Déclaration d’engagements communs, qui constitue un  renouvellement de l’engagement politique des États membres et une feuille de route commune  pour les nouveaux mandats des opérations de paix. 

Un retour sur les premières participations espagnoles permet de comprendre comment le pays  s’est imposé comme un acteur fiable du maintien de la paix. 

L’Espagne a pris part pour la première fois à la Mission de Vérification des Nations Unies en  Angola (UNAVEM) de janvier 1989 à juillet 1991. Un contingent de sept observateurs militaires  espagnols a été envoyé pour superviser le redéploiement et le retrait des troupes cubaines  d’Angola. 

Cette première expérience positive a ouvert la voie à l’engagement espagnol au service du  maintien de la paix en Namibie. D’avril 1989 à mars 1990, le Groupe d’assistance des Nations  Unies à la transition a bénéficié de la participation d’un contingent espagnol composé de huit  avions T-12 Aviocar, d’un T-10 Hercules et de 85 hommes.  

Presque en même temps, l’Espagne s’est impliquée dans le Groupe d’observation des Nations Unies en Amérique centrale (ONUCA), avec la double mission de vérifier les accords de sécurité  régionaux et de superviser le processus de démobilisation au Nicaragua jusqu’en décembre  1991. Le contingent espagnol, qui fut le plus important jusqu’alors (58 membres), était dirigé par  un général espagnol — une première.  

En 1990, l’Espagne participe également à la Mission d’observation des Nations Unies au Yémen  (UNYOM), pour vérifier la séparation des pouvoirs. À la fin de la même année, elle prend part à  la Mission des Nations Unies pour la vérification des élections en Haïti (ONUVEH), chargée de  garantir les premières élections démocratiques et pacifiques du pays. 

Un général espagnol fut également nommé à la tête de la Mission d’observation des Nations  Unies au Salvador (ONUSAL), composée de 138 observateurs de l’armée, de la police nationale  et de la garde civile, accords de 1991 à 1995 pour soutenir le processus de consolidation de la paix. 

Peut-être la mission la plus emblématique fut la contribution espagnole à la Force de protection  des Nations Unies (FORPRONU) dans l’ex-Yougoslavie, au cours de laquelle 15 Espagnols  perdirent la vie. Plus de 43 000 Espagnols ont œuvré au maintien de la paix, notamment en  Bosnie-Herzégovine. Cet engagement a été récompensé en 1993 par le prix Prince des Asturies  de la Coopération internationale. 

En 1994, les forces espagnoles ont relevé l’un des plus grands défis de leur histoire en participant  à la Mission d’assistance des Nations Unies pour le Rwanda (MINUAR), après avoir été impliquées  dans l’opération ONUMOZ au Mozambique entre 1993 et 1994. L’Espagne a également joué un  rôle actif dans la Mission des Nations Unies pour la stabilisation en Haïti (MINUSTAH), dont le  mandat a pris fin en 2017.  

Il convient aussi de souligner que l’Espagne a été pionnière dans l’intégration de la perspective  de genre dans les missions de maintien de la paix. En 2007, elle a été l’un des dix premiers pays  à adopter un Plan National pour la mise en œuvre de l’Agenda Femmes, Paix et Sécurité, dont  un deuxième Plan National a été approuvé en 2017.  

Afin de suivre les progrès de cet agenda, les gouvernements espagnol et finlandais ont lancé en  2019 l’initiative Engagement 2025 (C-25), avec treize pays signataires et neuf engagements  spécifiques autour de la prévention des conflits, la résolution, la négociation et la médiation. 

Toutes ces missions et initiatives ont posé les bases de l’engagement actuel de l’Espagne en  faveur de la paix et de la sécurité internationales. Aujourd’hui encore, l’Espagne continue de  jouer un rôle important dans plusieurs opérations de maintien de la paix de l’ONU à travers le  monde, du Moyen-Orient à l’Afrique en passant par l’Amérique latine. 

Opérations en cours 

Actuellement, l’Espagne est engagée dans trois missions principales : la Force intérimaire des  Nations Unies au Liban (FINUL), la Mission Multidimensionnelle Intégrée des Nations Unies pour  la Stabilisation en la République centrafricaine (MINUSCA) et la Mission de Vérification des  Nations Unies en Colombie (MNUVC).

 Force Intérimaire des Nations Unies au Liban (FINUL) 

La Force intérimaire des Nations Unies au Liban (FINUL) a été initialement créée par le Conseil  de sécurité de l’ONU en mars 1978 afin de confirmer le retrait des forces israéliennes du Liban,  de rétablir la paix et la sécurité internationales, et de soutenir le gouvernement libanais dans le  rétablissement de son autorité dans la région. Au fil du temps, le mandat de la FINUL a été ajusté  en réponse aux évolutions survenues en 1982, en 2000, et surtout après la guerre du Liban de 2006. Le mandat a alors été considérablement élargi pour inclure la surveillance de la cessation  des hostilités et faciliter l’accès humanitaire à la population civile. 

En septembre 2006, l’Espagne a commencé à participer à la FINUL, marquant le début de l’«  Opération Libre Hidalgo ». Depuis lors, elle a déployé plus de 10 000 militaires dans le cadre de  cette mission, dont 16 ont perdu la vie. En effet, à ce jour, l’Espagne est le cinquième plus grand  contributeur de troupes à la FINUL, avec 686 casques bleus déployés et 19 officiers d’état-major  présents au quartier général de la FINUL à Naqoura. L’Espagne commande la Brigade  multinationale Est, dont le quartier général se trouve à la base Miguel de Cervantes et qui est  dirigée par un général espagnol, confirmant ainsi son rôle clé dans le maintien de la stabilité dans  la région.  

Les troupes espagnoles effectuent des patrouilles à pied et en véhicule, souvent à proximité de  la Ligne bleue, qui marque la frontière provisoire du retrait israélien. Elles réalisent jusqu’à 300  patrouilles par semaine et participent à la surveillance de l’activité civile pour prévenir les  tensions. De plus, elles établissent des postes d’observation, coopèrent étroitement avec les  Forces armées libanaises (FAL), soutiennent la mise en œuvre de la Résolution 1701 de l’ONU, et  assurent un signalement rapide des incidents afin d’éviter toute escalade.  

 Mission Multidimensionnelle Intégrée des Nations Unies pour la Stabilisation en  Centrafrique (MINUSCA)  

Mandatée pour protéger les civils et accompagner les processus de transition en République  centrafricaine depuis 2014, la MINUSCA a bénéficié de la participation de plus de dix membres  des Forces de police nationale espagnoles. Depuis décembre 2016, une équipe de quatre  spécialistes espagnols en criminalistique est intégrée à la Police Technique et Scientifique (PTS)  de la MINUSCA.  

Les principales responsabilités du personnel espagnol incluent le soutien à la Cour pénale  spéciale, la formation des forces de sécurité locales et onusiennes, ainsi que la conduite  d’enquêtes médico-légales sur le terrain liées à des incidents criminels graves, tant dans la  capitale que dans le reste du pays.  

 Mission de Vérification des Nations Unies en Colombie (MNUVC) 

Placée sous la direction du Département des affaires politiques de l’ONU (DPA), cette mission  politique vise à superviser le cessez-le-feu et à vérifier le désarmement dans le cadre du  mécanisme tripartite (avec gouvernement et FARC) à la suite de l’accord de paix signé en 2016.  

L’Espagne compte sept observateurs déployés en Colombie depuis novembre 2016 : cinq  officiers des Forces Armées et deux officiers de la Garde Civile. Dans ce cas, les observateurs  internationaux exercent leur mission sans armes. 

Rôle actuel et impact 

Actuellement, l’Espagne se classe au 25e rang mondial et au 2e rang européen (après l’Italie et  devant la France) en nombre de personnels déployés, avec un total de 720. Par ailleurs, elle est  le 11e contributeur financier aux opérations de maintien de la paix, apportant 2,13 % du budget  total pour 2024–2025. 

Graphique extrait de Troop and Police Contributors, Nations Unies, consulté le 12 juin 2025

En plus de son apport humain et financier, l’Espagne héberge des infrastructures clés soutenant  les missions de l’ONU. D’une part, la base de soutien logistique de Quart de Poblet à Valence  fonctionne comme centre de communication entre l’ONU et ses opérations sur le terrain, en lien  avec la base de Brindisi en Italie. D’autre part, la base de Las Palmas de Gran Canaria constitue  une zone de repli pour la MINURSO, activée après l’expulsion du personnel civil de la mission par  le Maroc en 2015. 

Concernant la stratégie pour la parité hommes-femmes dans les forces, l’Espagne reste en deçà  des objectifs des Nations Unies : seulement 7,7 % des troupes déployées sont des femmes (cible  de 12 %) et seulement 4,3 % des experts militaires et officiers d’état-major (cible de 22 %). Ces  chiffres révèlent certaines limites dans la mise en œuvre des initiatives mentionnées. Malgré sa  conviction que l’égalité de genre est un rempart contre l’extrémisme et la violence, l’Espagne  doit renforcer l’application de la Résolution 1325 du Conseil de sécurité afin d’assurer un secteur  de sécurité plus inclusif et une participation pleine des femmes dans la prévention des conflits. 

Enfin, il convient de souligner qu’aucun cas de harcèlement ou d’abus sexuel impliquant des  troupes espagnoles n’a été signalé. Toutefois, le coût humain des opérations de maintien de la  paix reste manifeste : 42 membres du personnel espagnol ont perdu la vie en servant dans des  missions de paix de l’ONU.

Données extraites de Fatalities, Nations Unies, consulté le 12 juin 2025

Conclusion et défis à venir 

L’Espagne a toujours privilégié la qualité et l’efficacité plutôt que des critères purement  quantitatifs dans son approche des opérations de paix. Cependant, les données officielles et les  rapports indiquent qu’elle doit continuer à œuvrer non seulement pour s’attaquer aux causes  profondes des conflits, mais aussi pour répondre aux défis émergents auxquels sont confrontées  les opérations de maintien de la paix des Nations Unies aujourd’hui. 

À ce titre, l’Espagne reconnaît les risques liés à la dégradation de l’environnement et au  changement climatique. Les Nations Unies devraient accorder une ascension croissante au lien  entre climat, paix et sécurité, et la famille onusienne doit intégrer la nature et la paix au même  niveau stratégique afin de prévenir les conflits futurs à travers le monde. Une autre priorité essentielle concerne la sécurité et la santé mentale du personnel déployé,  ainsi que la transformation numérique des opérations et la lutte contre la désinformation et les  discours de haine. 

C’est pourquoi il est essentiel de parvenir à un consensus autour d’un Pacte pour l’Avenir,  fondé sur des mandats réalistes et partagés, afin de garantir le succès des opérations de maintien  de la paix. Faute de bases solides et communes, les missions futures risquent de ne pas atteindre  leurs objectifs. 

Lucia C.

Sources

  • Departamento de Seguridad Nacional. (24 septembre 2020). Naciones Unidas: Misiones de Mantenimiento de la Paz y la contribución de España. Gobierno de España. https://www.dsn.gob.es/en/node/13284
  • Durán, M., & Bueno, A. (2024). Gaining local legitimacy in stabilisation operations: The Spanish peacekeepers case in Lebanon – UNIFIL II. Defense & Security Analysis, 40(4), 499–518. https://doi.org/10.1080/14751798.2024.2398268
  • García, D. (2014). The evolution of Spanish commitment to Peacekeeping Operations. An image of Spain abroad 1989–2014. Comillas Journal of International Relations. https://doi.org/10.14422/cir.i01.y2014.006
  • Nations Unies – Maintien de la paix. (juillet 2021). Espagne – Les Nations Unies remercient l’Espagne pour sa contribution inestimable au maintien de la paix. https://peacekeeping.un.org/fr/spain